En tant que chroniqueur, je suis régulièrement appelé de par le monde pour couvrir des événements mondains et j’ai quelques scrupules parfois à m’empiffrer à des buffets gratuits étant donné les cachets mirobolants qui me sont versés. Et je ne parle pas des avantages en nature, nombreux – véhicule de sport polluant ou call girl non syndiquée, que je refuse par déontologie. J’ai des scrupules mais je dois composer avec un corps d’athlète qui réclame sa dose de sucre et de lipide. Ma vie est une lutte pour rester mince.
Ils peuvent te parler d’un groupe qui a changé leur vie […]
Invité à la mairie de Rennes par mon ami Brad pour le lancement d’I’m From Rennes, je n’ai pas osé dire non, mais j’ai vu arriver le piège gros comme une maison : comment ne pas succomber une fois encore aux tentations des petits fours ? J’avais tort de m’inquiéter. Et vous savez pourquoi ? Ce n’était pas le genre de manifestation où l’on fait mine d’écouter son voisin la bouche fourrée de canapés. Description du public : bénévoles, DJ (Alvan pour la musique), élus, chanteurs, organisateurs, photographes et musiciens. Des gens qui ont tous un point commun, ils aiment. Ils peuvent te parler d’un groupe qui a changé leur vie, s’enflammer pour un jeune artiste sorti d’un quartier de Rennes ou célébrer les organisateurs de concerts des temps anciens qui ont forgé la réputation de Rennes. Ces gens ont une sensibilité spéciale et ils lâchent, parfois, sans mesurer la force prophétique de leur phrase : « il se passe un truc à Rennes ». Ces gens ont un autre point commun essentiel qui les relie comme un fil invisible. Ils aiment Simon Carpentier. Ils aiment son œuvre, son immense talent et ils savent tout ce qu’on lui doit dans la genèse du festival. Quand on est entouré de gens comme ça, qui aiment, qui adorent, qui vénèrent, on se laisse prendre. C’est notre faiblesse.
Discutant avec les uns et les autres, je n’ai pas vu le temps passer, j’ai laissé filer ma chance et quand je suis arrivé au buffet, il était trop tard. Il ne restait plus rien, sauf une paire de tartelettes jaunes que j’ai gobées en sanglotant. S’ennuyer et grossir ou vivre I’m From Rennes et rester mince. Tel est le choix qui s’offre à nous.
Raoul Kalin